Damian a passé sa journée à angoisser pour une stupide photo d’identité. Qui l’aurait cru ? Lui, l’homme raffiné si confiant qui a les mains moites et le regard fuyant lorsqu’on lui parle de photos d’identité. C’est fou à quel point il n’aimait pas la paperasse administrative bien souvent à cause de cette photo qu’on demandait un peu partout. Jamais satisfait, il avait l’air toujours très …coincé sur ce genre de clichés. Les gens d’ailleurs le jugeaient comme bourgeois en analysant ce type de photos. Exaspéré à essayer et réessayer et perdre des sous en un clair. Il baissa les bras à un moment donné et pris le dernier cliché fait sans même lui prêter plus d’attention qu’il ne faut. Après tout, on demandait de ne pas sourire, d’être droit, et de tirer une tronche comme si on se trouvait avec un ballet immobilisé entre les fesses, n’est-ce pas ? Bien, c’est exactement la tronche qu’il avait, donc aucun changement à l’horizon. Une fois tous les papiers à disposition, il se pressa à les fournir au bon guichet pour l’ouverture de ce nouveau compte en banque. Pourquoi un nouveau compte en banque ? Tout simplement parce qu’il en avait envie, c’est ainsi qu’apparait parfois l’insouciance de Damian. Il ressentait une envie de changement, soit parce que son ancienne banque ne lui inspirait plus confiance, soit parce qu’il a fait un rêve la veille qui lui murmurait de changer de banque, ou encore parce qu’il ne supportait plus que Sid lui pose des tas de questions pour avoir la même banque que lui …Quoi que de ce côté, il peut toujours avoir la même banque que lui finalement. A part ça ? Tout va bien, vraiment ! Même s’il ne perd jamais de vue que la vie n’est jamais un long fleuve tranquille.

Alors qu’il se dirigeait vers son rendez-vous avec une jeune artiste avec laquelle il devait s’entretenir. Un message sur son téléphone lui rappela qu’il avait encore du pain sur la planche. Ursula Fanning venait de lui envoyer un texto des plus simples :

Ursula Fanning a écrit:

Tonight. Look Sharp.

Oh non, Damian n’oublie jamais ses rendez-vous, il connait chaque matin le programme de sa journée et de sa soirée. Le seul souci aujourd’hui, est qu’il n’est pas des plus ponctuels, et il détestait ça, encore plus parce que  c’est une satané photo d’identité, qui a semé du retard dans son agenda. Ursula l’avait convié à assurer la musique pour un défilé au cœur de la fashion week londonienne de ce mois de Février. La jeune femme organisait un défilé caritatif, telle une vente aux enchères portant sur des robes de grandes marques, vendues pour la bonne cause. Cela faisait des mois, voire des années, que Damian et la jeune femme collaborent sur de nombreux projets du genre. Il y avait aussi les petites tournées des classiques de Jazz qu’ils faisaient ensemble de temps à autres. Damian aimait travailler avec elle, qu’importe la première impression qu’il avait eu d’elle, il y a de cela des années. Heiress était à présent devenue une femme qu’il admirait. Mais pour l’heure, il avait une interview à assurer, de la paperasse à lire et faire signer au label. Et puis, finalement, il tentera de s’en sortir en faisant attention à être habillé convenablement pour sa prestation de la soirée.

Il était déjà dix-huit heures lorsqu’il quitta son bureau, et il devait se rendre chez lui afin de se doucher, se changer, et puis se rendre à l’hôtel de luxe, The Langham, en plein Regent Street. Là ou se déroulera l’évènement organisé par Ursula. A peine une heure plus tard, Damian était déjà en route, si cela n’avait été la circulation infernale à Londres, il aurait eu le chic d’arriver cinq minutes à l’avance. Finalement, son temps aura été bien géré. Une fois à l’hôtel, une hôtesse vint lui demander de la suivre sans qu’il n’ait la moindre chose à demander. L’organisation d’Ursula a été millimétré constatait-il avec une certaine satisfaction. Car Damian est fan du travail bien fait. Lorsqu’il pénétra la salle des réceptions transformée pour l’occasion en un podium de défilés avec des tables tout autour. Et un piano noir avait élu domicile au centre même de ce podium particulier, il comprit que c’est là-bas, au milieu de tous, qu’il devra jouer ce soir. Non loin, une voix qu’il connaissait bien se distinguait du brouhaha dominant dans la salle. Nulle autre que l’héritière elle-même qui semblait si mécontente… d’à peu près tout s’il s’en tient à toutes les différentes personnes qu’elle se mettait à recadrer à cet instant même ou lui, avançait vers elle. Non sans une petite crainte de recevoir les foudres de Heiress à son tour, il prononça d’une voix claire, audible et posée, à quelques centimètres de la jeune femme.

“And how am I doing?”

* Tenue de Damian

Spoiler:

La jeune femme préparait cet événement depuis de semaines. Au millimètre prêt. Ce matin, en se réveillant, il était clair pour Ursula que rien ne sera laissé au hasard, et aucune erreur ne pourra être tolérée ! C’est qu’elle prenait son rôle d’ambassadrice très ai sérieux, ce sérieux d’ailleurs tendait vers l’obsession du parfait à chaque fois. On pourrait presque dire que son meilleur ami Austin, avait fini par la contaminer de son perfectionnisme maladif. L’héritière a mis en cause sa carrière musicale, afin de pouvoir s’adonner au mieux à ses responsabilités caritatives, ainsi qu’un son rôle, certes prêtée par les médias, d’icone féministe. Tout ce qu’elle faisait depuis presque deux années allait dans ce sens.  Ce soir, dans le cadre de la fashion-week londonienne, Ursula fit le choix de snober quelques grands défilés, afin de préparer le sien. Il n’est pas question de sa marque, ou de ses vêtements, mais d’une vente aux enchères de quelques pièces uniques de grands couturiers. Tous les fonds de la soirée seront versés à des associations défendant la cause des femmes. Des invités prestigieux, et moins prestigieux, allaient assister et participer à cet événement. Un défilé pour lequel elle réussit à rassembler un nombre important de mannequins, qui porteront les pièces mises aux enchères. Evidemment, la musique jouera son rôle et fera son effet. Il était hors de question pour l’héritière de se contenter de quelques pistes en background. Un vrai musicien de talent, offrira une musique live, classe et feutré, émotionnelle et percutante. Le nom idéal n’était autre que Damian Henley, qu’elle n’oublia pas de rappeler par un texto afin qu’il ne soit ni en retard, ni mal habillé. Chaque détail avait son importance pour Ursula.

Il fut un l’hôtel, dès l’après midi afin de superviser le tout. Même qu’elle avait prise une chambre là-bas, afin de ne rien rater, et de ne pas avoir à retourner chez elle pour s’habiller. Dépenses en trop pour certain, ou caprice d’une héritière. Être au centre des commandes pour être un chef d’orchestre, dira Ursula. Tout se passa parfaitement bien, comme elle l’avait imaginé. Elle avait pris son temps afin de se préparer à son tour. Sa robe faisait partie de la vente, elle sera d’ailleurs celle à clôturer le défilé de la soirée. Un modèle unique qu’elle avait porté au Festival de Cannes de l’an dernier, et qui allait à merveille avec la coloration blonde qu’elle arborait depuis quelques semaines déjà.

Spoiler:

Mise en allure adéquate. Elle rejoignait la salle de réception afin de vérifier le tout, détail par détail. Quelques invités commençaient déjà à venir. Et c’est un cet instant précis que les choses commencèrent à se dégrader quelque peu. Un verre éclata sur le parquet, en une dizaine d'éclats alors qu'un juron franchissait la barrière des lèvres pincées en un mimique agacée, du fouteur de trouble. Un seul. Un seul instant et les pensées de l’héritière avaient dérivées. Elle se retapera toutes les tables, vérifiant chaque nous, et réalisant que là aussi, le travail venait d’être mal fait sur trois tables. C’en est trop ! Il fallait recadrer ces incompétents, elle fut trop idiote, elle n’aurait jamais dû les quitter de la journée. Tout devait être vérifié une seconde fois, et au millimètre prêt. Le défilé ne sera en aucun lancé, s’il elle n’a pas confirmation que tout est comme elle l’avait programmé et demandé. Et lorsqu’elle eut enfin la possibilité de reprendre son souffle et de tenter de détendre ses muscles. Une voix vint gratter à son oreille. Cette voix, ne l’avait pas surprise dans le mauvais sens du terme. Elle venait tout juste de l’apaiser, parce que lui…lui, savait faire dans la perfection ! Elle en a eu la preuve alors qu’elle se tourna vers lui. Et c’est un fait, elle venait d’avoir le souffle coupa par l’allure absolument sublime qu’avait choisi Damian.

« You are…perfect ! » Venait-il de déclarer en soupirant de soulagement et aussi de contentement, en accentuant le mot perfection, Elle venait tout juste de retrouver le sourire, sa vue le poussa à aller échanger une chaleureuse accolade avec lui. « Tu viens de réussir l’exploit de me rendre le sourire en un clin d’œil ! » Elle se détacha doucement, et refit un tour du jeune homme, lui lançant un regard satisfait. Il prit délicatement le bras de ce dernier, et l’invita à faire un petit tour de la salle. « J’ai omis de te dire que tu seras le centre du monde, ce soir » Elle fit signe de la tête vers le podium, le piano était au centre de ce dernier, les mannequins feront toutes le tour de Damian. « Je clôturerai le défilé en finissant par te rejoindre au piano, je fredonnerai 'la vie en rose', puis, on se lèvera tous les deux et on saluera notre assemblée du soir…les enchères seront silencieuses, chacun donnera son montant, à chaque tenue sur un bout de papier ou ses initiales sont marqués…les gagnants ne seront donc dévoilées qu’à la fin. » Ursula arrêta ses pas à cet instant, faisant face à Damian.

« J’ai fait vérifier le piano, cinq fois…Mais, je te fais largement plus confiance et tu peux donc aller voir par toi-même si tout te convient. Je te donnerai le signal pour commencer à jouer…Ce qui veut dire que tu ne dois en aucun cas me quitter des yeux avant cela. Ça marche ? »

Il fut un temps, il y a longtemps aujourd’hui, ou quoi qu’il ait pu entreprendre, Damian avait toujours une petite voix à l’intérieur de lui, qui le démoralisait. Elle lui faisait se sentir coupable lorsqu’il prenait du temps pour lui et pratiquait des activités qu’il aimait ; elle lui répétait à quel point sa vie était ordinaire ; elle lui faisait se sentir incompétent lorsqu’il envisageait de faire des choses pour améliorer son sort. Bref, il ne s'en sortait jamais ! Un jour, il décida alors de faire taire ce dialogue intérieur. Cette petite voix était certainement très futée et experte dans l'art de lui faire se sentir inadéquat... mais un simple changement d'approche lui avait permis de la déjouer. Enfin, simple, mais loin d’être facile pour autant. Nous avons tous différents « parasites » dans notre esprit qui ont chacun leur salade à vendre. Il y a celui qui tente de nous protéger des échecs possibles en nous convainquant de ne rien changer ; celui qui croit qu'on ne vaut rien et qui n'aime pas être contredit ; celui qui nous conditionne à être « parfait ». Bref, un bien beau buffet... de vieilles salades défraîchies ! Damian avait alors un jour compris que même s’il avait le sentiment de ne pas avoir de pouvoir sur ces voix négatives, il pouvait toujours choisir de les écouter ou non. La clé, c'était de les démasquer et de s’en distancer tout doucement. Si je dis «tout doucement», c'est parce qu'une attitude de combat ou de confrontation ne fera que les nourrir. Il était déjà assez mature pour le comprendre de lui-même. Cela ne l’avait pas pour autant empêché de faire un « burn out », mais cela lui avait permis de faire autre chose, de penser qu’il était capable d’assurer ces activités, et de se faire plaisir à coté également.

Cela fait des mois que lui et Ursula se font partenaires de scène. Dans les clubs de jazz à reprendre de vieux standards, et surtout pour des concerts caritatifs. Fut un temps, là aussi, ou Damian avait une bien piètre opinion de l’héritière Fanning. Désormais, c’est d’un regard admiratif qu’il la voyait, c’est d’une oreille attentive qu’il l’écoutait. Suivant les consignes et autres directives de la jeune femme, il ne rechignait pas, ne remettait rien en question. Il l’avait vu à l’œuvre, et il sait qu’elle est amplement capable d’assurer sur ce genre d’évènement. Qu’elle le juge parfait dans son apparence allait certainement redorait son humeur, et leur faire gagner du temps, peut-être qu’il est le seul ce soir, à ne pas avoir attiré les foudres de Heiress. « Au moins, j’aurais servi à ça » Disait-il en mettant doucement fin à leur accolade, souriant envers la jeune femme, il se laissa prendre le bras et la suivit pour faire le tour de la salle. Son regard se porta vers le centre de celle-ci, là où se trouvait le piano. Damian avait compris dés son entrée ici qu’il allait, effectivement, être au centre…sur lequel orbitant les mannequins. Il n’était pas timide, mais cette configuration était une première pour lui, il appréhendait un peu, mais rien qui puisse le faire paniquer, ou réduire sa concentration, que du contraire ! Et puis, en toute objectivité, les vêtements portés par les mannequins seront le véritable spectacle de la soirée. « D’accord… » souffla-t-il face à ses explications, avant de cesser le mouvement de ses pas et faire face à la jeune femme.

« Ne pas te quitter des yeux n’est absolument pas difficile » lui déclara-t-il sur un sourire. Ce qui était absolument vrai, difficile de détacher le regard de la jeune femme, elle était magnifique chaque jour, mais aujourd’hui encore plus. Il enchaina sur un ton plus formel. « Je vais vérifier le piano…et ça marche pour tout sauf une toute petite chose. Tu vas…juste fredonner ? » Il lui fit une moue avant de ne commencer à reculer. « You can do so much better ! » Lui lançait-il sur un clin d’œil et avec un ton de défi, avant de ne se retourner et de se diriger vers le grand piano noir qui l’attendait. Il vérifia si ce dernier était bien accordé. Et fort heureusement, il l’est. Prenant à présent place confortablement, il attendait le signal du maestro de la soirée, Heiress en personne !

Ursula en avait fait du chemin pour en arriver là. Pour devenir cette femme se tenant ainsi aujourd’hui, et se faisant organisatrice capable de ce type d’évènements. Il lui en avait fallu du temps, et surtout, il en a fallu des faux pas. Elle avait souvent pensé que pour exister, elle devait toujours exister aussi pour les autres, à un tel point qu’elle avait fini par tomber dans un jeu de fausses apparences qui l’avait mené aux échecs professionnels et à la dépendance à la cocaïne. Mais, au final, pour être franc, elle a toujours été seule même entourée, parce qu’elle ne s’était jamais permise d’être vraiment elle-même. A force de jouer, elle s’était perdue, et pour rien au monde elle ne voudrait refaire ces mêmes erreurs. Ce n’est pas tant le fait d’être isolée des autres humains qui la torture : c’est plutôt le fait que personne ne voit qu’elle existe, elle, pas l’image d’Ursula Fanning. Elle reste dans l’idée que pour exister, il faut que quelqu’un valide et confirme qu’elle est bien là, que quelqu’un la voit. Alors, pour être vu, elle donne, elle endure, elle se soumet aux caprices de ceux dont elle réclame la validation de son existence. Des personnes qui n’ont jamais répondue présentes pour elle au bout du compte. Elle a tellement couru après la reconnaissance, qu’elle a laissé les autres lui prendre tout ce qu’elle avait de plus précieux, qu’elle s’est laissée piétinée et humiliée même par bon nombre de personnes. Tout ce qu’elle voulait, c’était…rattraper tout ce temps ou elle n’était que la « petite moche » ou encore la fille sans cervelle qui a hérité d’une fortune colossale. Mais elle n’a jamais été une fille sans cervelle, c’est bien tout le contraire. Elle a juste été une autre personne qui n’était pas elle.

La Ursula d’avant, celle ayant existé avant l’avènement de Heiress. N’aurait jamais pu être la chef d’orchestre de tant de soirées caritatives, de tant d’évènements pour des causes qui dépassaient tellement les petits tracas mondains et quotidiens. Cette Ursula du passé, n’aurait jamais partagé la scène avec un homme tel que Damian, n’aurait jamais pu avoir sa sympathie, et nettement moins sa confiance ou son amitié. Il n’y avait qu’à la voir, et observer autour d’elle, l’observer elle, pour comprendre qu’elle avait tout compris, et qu’elle vivait enfin sa vie, sa vraie vie. Auprès du jeune homme, ele venait de partager ses dernières consignes, et elle n’avait pu empêcher de sourire sous un air flattée lorsqu’il lui confia que la quitter des yeux n’est pas bien difficile. Si Damian était un homme plus que charmant, et même bien attirant, Ursula connaissait les limites muettes entre eux deux. Et ce serait mentir que de dire qu’il ne l’a jamais attiré, mais cela ne voulait pas la peine de gâcher la complicité qui s’était créée entre eux. « Oui ? » Demandait-elle, curieuse de connaitre sa petite chose, et c’est à ce moment qu’elle observait la lueur dans le regard de Damian changeait, pivotait vers quelque chose de plus défiant. Ça voulait dire quoi, qu’elle devait chanter toute la chanson ? En français ? « C’est un défi ? » Questionnait-elle alors que Damian disparaissait déjà vers son piano. Souriante, il avait fallu que quelques minutes de plus pour qu’elle donne enfin le signal à Damian, afin qu’il puisse se lancer sur son piano. Et dés la première note jouée par le jeune homme, les mannequins commencèrent à défiler, et se succéder dans les tenues mises en vente, ce soir. Les couleurs, les allures, les différentes courbes, formes et tissus, s’enchainèrent, sous le regard avide de l’héritière. Mais surtout, sous celui des invités qui notaient leurs enchères pour chaque pièce.

Semblant satisfaite, elle préparait son entrée pour clôturer le spectacle. La robe qu’elle portait était elle-même mise en vente, ce soir. Ayant rejoint les coulisses, elle récupéra son micro et Damian étant parfaitement synchro et parfaitement fans les temps, le rythme de la mélodie changea lorsqu’Ursula foula le podium, elle qui n’avait plus défilée depuis des années, cela continuait à faire partie de sa seconde nature. Doucement, elle finit son catwalk en rejoignant le banc de pianiste de Damian. Se souvenant de la petite pic de ce dernier, elle se mis, non  pas à fredonner, mais à chanter la vie en rose…Son regard chercha celui du pianiste, qu’elle trouva le temps de quelques secondes, s’y accrochant, intensément, comme pour trouver le courage de poursuivre sur sa lancée…Et elle le fit, elle chantera la vie en rose, en étant habillée en rose, accompagné au piano par le pianiste le plus doué qu’elle connaisse, reliant ainsi la musique à la mode, ses deux passions qui font d’elle Heriress. C’est sur un tonnerre d’applaudissements que leur prestation s’achève. Ursula conviant Damian à lui prendre la main afin de contourner le piano et de saluer les invités. La jeune femme prit la parole afin de remercier l’audience, et de les inviter à déguster le diner qui venait de leur être servi, avant que les gagnants des enchères ne soit annoncé. Mais avant, elle aussi, avait un défi pour son acolyte. « Une dernière enchère est programmée. Celle-ci est bien plus particulière et concerne mon cher ami et pianiste au talent incontestable, Damian Henley ! » Se tournant vers le jeune homme, elle le gratifia d’un clin d’œil avant de n’ajouter. « En effet, à toutes les célibataires …Si vous désirez avoir un rendez-vous galant avec Monsieur Henley, mettez-y le prix ! » Un sourire aguicheur fut lancé aux invités, alors que des sons surpris et émoustillés se faisaient entendre dans la salle. Non, rien de ceci n’était prévu, mais le jeu des défis n’est pas le meilleur à proposer à Ursula Fanning, lorsqu’on ne veut pas perdre !

Spoiler:

Comme elle le lui avait demandé, Damian ne la quitta pas des yeux. Attendant le signal de la jeune femme afin de s'y mettre à ce piano, et de lancer le tempo. En même temps, il était si agréable et facile de ne pas quitter Ursula du regard. Oh, il se souvient encore aujourd'hui de la première critique qu'il avait écrite à son encontre, il y a de cela des années. Il se souvient encore de la réaction de la jeune femme, de sa colère, de son immaturité de riche héritière, de son addiction à la coke. Il est le premier témoin de l'évolution fulgurante et fantastique de la jeune femme. Il est difficile désormais de ne pas la regarder avec yeux plein d'admiration, difficile de ne pas tomber sous son charme tout autant.

Et à présent que le signal est donné, Damian peut éclipser ses pensées et retrouver un exercice qu'il aime par dessus tout. Jouer du piano. Il bouge ses doigts comme une danseuse étoile, sur se clavier de piano, tel un monstre musicien, il joue sans cesse. Les yeux fermés, concentré, ces doigts dansent encore et toujours, telle une litanie de mot tendre. Tel des paroles d'un fou trop prés de la vérité. Chacune des notes émises par les percutions sur les corde de ce piano, fait naître un son des plus doux et à la fois des plus violent. Que le cœur de n'importe quel spectateur, ne peu qu'exploser d'émotion. A vent, à corde, à percutions, de cuivre ou encore de bois. Un Homme assis sur le siège, devant un piano noir, joue ces mélodies dansantes. Tel un maître des notes, ses doigt parcourant les touches blanche ou noir de ce piano, transforme chaque son en un pas de danse, chaque mélodie en une chorégraphie. Chaque morceau, en spectacle musical dés plus beau. De tels musiciens, il est dit qu'il n'en existe très peu. Qu’ils ne sont là que par le corps mais que leur esprit n'est présent qu'a très peu de moment. Damian en fait surement parti. De ces êtres qui ne vivent que par les notes de musique, de ces êtres qui, lorsqu'ils touchent un instrument, changent du tout au tout.

Et puis, vint l'instant ou Ursula fit son entrée sur scène. Radieuse, unique instant ou Damian quitta du regard son instrument. L’enchaînement vers la vie en rose d'Edith Piaf fut maîtrisée. Et là, il n'avait pu empêcher un immense sourire, lorsque Heiress se mis, non pas à fredonner, mais à chanter le morceau. Il remonta le regard vers celui de la jeune femme, et subtilement, il l'encouragea à aller au bout et à profiter de cet instant au maximum. Une bien belle conclusion à ce défilé qui semble être un véritable succès s'il en croit les applaudissements qui suivirent la fin de la chanson. Il laissa la jeune femme annoncée la suite de la soirée, et aux dernières paroles...Le visage de Damian se fige! Quoi ? Mais...Quoi ? Il cherche à la tirer du bras afin de lui demander ce qu'elle était en traîne de faire. L'audience pouvait lire le choc sur ses traits, complètement désemparé, il n'avait même son mot à dire ? Non mais, depuis quand était-il à vendre ? Et si cela est un défi, ils n'ont vraiment pas le même degré de tolérance quant à ces derniers. « Ce n'était pas prévu, ça ! » Prononçait-ils d'entre ses dents. Tentant de modérer sa panique. « T'aurais pu au moins me prévenir...Hey! » La jeune femme semblait amusée, mais pas lui! Il la suivit alors qu'elle se dirigeait vers ce qui semblait être leur table afin de dîner, mais il n'avait plus du tout faim!  « Je suis sérieux, je refuse de jouer le jeu Ursula, pas comme ça ! » Je ne suis pas à vendre, nom de Dieu!

Il est toujours agréable et étonnant, de la voir ainsi en contrôle. Si certaine, si sûre de tout ce qu'elle entreprend. Même dans son rapport avec les autres, Ursula est différente. Si elle était restée prisonnière du passé, jamais elle n'aurait pu devenir proche de Damian Henley. Ou l'homme qui avait critiqué ses débuts dans la musique, d'une façon bien peu élogieuse. L'ancienne Ursula aurait peur d'être jugée, d'être rejetée. Et elle eut si longtemps peur d'être rejetée. Cette peur du rejet est sans doute l’émotion qui s’apparente le plus à la peur de la mort. C’est aussi la plus difficile qu’ait à éprouver un être humain. Cette peur du rejet est plus douloureuse que toutes les autres craintes, qui découlent souvent d’une peur inconsciente d’être rejeté. En effet, les peurs de n’être pas performant, de n’être pas suffisamment beau ou intelligent, de ne pas avoir d’argent ou d’emploi, de ne pas avoir l’énergie pour suivre le groupe familial ou social, naissent toutes du désir profond d’établir avec les autres un état relationnel dans lequel on se sentirait important, apprécié et désiré. La peur du rejet peut apparaître dès la naissance. Vulnérable et faible, le nouveau-né a besoin de quelqu’un pour prendre soin de lui et lui permettre de survivre en toute sécurité. Ce besoin de sécurité est souvent comblé de façon satisfaisante par les parents, dont c’est le devoir et la responsabilité. Mais s’il ne l’a jamais été, ce sentiment de rejet l’a habité depuis son enfance, jusqu’à bien tard dans sa vie d’adulte.

Cette peur, a aussi était alimentée par ses échecs relationnelles. Les femmes la jalousaient ou ne l'aimaient pas. Les hommes riaient d'elle, ou ne la prenait jamais au sérieux. Hormis Austin et Parker, Damian est l'un des rares hommes à avoir su la juger à sa juste valeur. Elle s'en voulait presque de lui avoir tendu ce petit piège, de le voir ainsi paniquer et ne rien vouloir de ce cette "vente". Il aurait tord de se précipiter ainsi et à juger cela comme de la folie, à le refuser. Car elle avait bien une idée derrière la tête. « Damian...Du calme ! C'est pour la bonne cause, tu te souviens ? » Finit-elle par lui dire au niveau de leur table, avant de ne prendre place et d'un regard, l'inviter à en faire de même. Elle soupira doucement en constatant qu'il refusait de la rejoindre. « S'il te plait, Damian...Prenons au moins le temps de dîner... » Elle n'avait pas envie d'une scène inutile, et elle ne désirait pas non plus que ce dernier lui fasse la tête pour le restant de la soirée. Elle est si surprise de le découvrir perdu, lui si responsable et toujours serein qu'importe la situation. « T’as peur de quoi au juste ? » Elle ne cherchait pas à lui forcer la main, mais elle ne pouvait pas non plus reculer à présent que tout est lancé, et que tout le monde misait et donnait leur montant sur les petits papiers, même elle était en traine de le faire en cet instant même ou elle posa la question. Avant de ne relever le regard vers le pianiste.

« Tu sais que…qu’importe la personne qui remportera l’enchère, rien ne t’oblige à tenir un rendez-vous galant dans les règles de l’Art. Tu pourras t’en débarrasser comme bon te semble…Je te demande juste de jouer le jeu, pour l’asso’, rien d’autre » Une lueur de supplication se tenait en son regard. Sur le point d'ajouter quelque chose, on venait déjà recuillir ses petits cartons. Le timing était au point.

Que se passait-il ? Cela ne ressemblait pas vraiment à Damian de réagir de manière aussi radicale. Sauf lorsqu’il s’agissait de Sid, mais là, c’est une toute autre histoire. S'assumer est une chose, se figer en est une autre. Damian s’assure dans ce cas simplement qu'il existe un minimum de surprises, de changements et de découvertes dans son existence : être soi-même, c'est aussi accepter d'être bousculé par le monde qui nous entoure, être mis au défi...Et il doit avouer que d’ordinaire, il aime les bousculades, les instabilités de la vie ne le dérangent pas, elles sont un plus pour lui. Il pense que rien n’est acquit, et que tant qu’on vit, il y a des choses à apprendre, à découvrir, à changer même. Sa tolérance a toujours été un plus pour lui, dans ses rapports avec les autres mais aussi dans son propre travail. Par exemple, comme critique musical, il doit parfois écouter des artistes dont le style sort totalement de l’univers de ses propres gouts. Mais il s’y plie et tente toujours d’avoir un avis objectif. Plus humainement, s’il y a des personnalités avec lesquelles il a plus de mal, cela ne veut pas dire pour autant qu’il les chasse de son entourage. Il n y qu’à voir la différence entre lui et son meilleur ami Sid. Deux mondes, deux caractères, deux styles de vie totalement opposés. Et pourtant, ça reste son ami le plus précieux. Et Dieu sait à quel point il tenait à lui.

Damian se voyait souvent se coller le cliché du mec sérieux, bien habillé et trop bon pour certains parce que critique musical et jazzman. Mais Damian c’est surtout un coté insouciant qui n’a pas peur des imprévus. Et en cet instant même ou Ursula l’avait « mis » aux enchères, c’est son coté insouciant qui aurait dit se manifester, c’est un regard défiant qui aurait dû s’exprimer, c’est un sourire confiant et plein d’audace qui aurait dû faire miroir à celui de la jeune femme. A la place, on aurait presque dit qu’il boudait. Ursula avait beau le rassurer maintenant qu’ils étaient tous les deux assis en face à face à cette table, mais rien n’arrivait à retirer cette mine offensée de son visage. S’il se vouait, il comprendrait pourquoi ce cliché d’homme bien trop propre lui collait au front, depuis pas mal d’années. « Okay, tu as gagné…comme toujours ! » Finit-il par prononcer à son égard, soupirant, mais souriant la seconde suivante. Sa réaction, bien que légitime, était peut-être exagérée. Elle avait raison, c’est pour la bonne cause. Et il avait raison aussi sur ce qu’il déclarait, cette femme gagnait à tous les coups !

Le diner fut servi à tous les convives quasiment en même temps, pas d’attente pour aucun des convives. Il n’avait pu s’empêcher de jeter un œil admiratif à l’héritière Fanning. Cette femme que tout le monde condamnait à une vie superficielle et ridicule, est devenue une véritable femme d’affaires, un chef d’orchestre remarquable. Il ne lui dit rien de cette pensée, il ne voulait pas non plus parler du fait qu’il allait figurer sur la liste des enchères de ce soir, et qu’il devra répondre à il ne sait qui pour un rendez-vous galant. Non, il y avait mieux comme sujet de conversation que tout ceci. « Tu passes quasiment tout ton temps à organiser ce type d’évènement, sans oublier les tournées caritatives…Tu penses reprendre le chemin des studios, un jour ? » Il faut dire que cela faisait quelques temps qu’Ursula n’avait plus fait de musique, de façon officielle, car les concerts qu’elle faisait avec Damian ne comptait pas vraiment. Un habitué du milieu artistique musical se disait qu’il est peut-être temps pour elle de refaire surface en tant que Heiress, la chanteuse. Et non uniquement Ursula Fanning, l’ambassadrice à l’ONU qui avait clairement pris le dessus sur tout le reste.

Il est vrai, qu’elle avait changé du tout au tout. Il est tout aussi vrai, que beaucoup n’avaient vu en elle que l’héritière Fanning. Bourrée d’argent, capricieuse, et impossible de réussir la moindre chose. Même sa carrière de mannequin n’avait pas pu échapper aux critiques. Désormais, Ursula réussissait absolument tout ce qu’elle entreprenait. Depuis la sortie de son première album solo « Never Again », alors qu’elle avait 23 ans. La vie n’avait jamais cessé de lui sourire. Professionnellement, elle ne maquait de rien. Sa réputation n’était plus celle d’une héritière accro à la cocaïne et aux magazines à scandales. Elle touchait les hautes sphères, échangeait aussi bien avec des musiciens et compositeurs talentueux, qu’avec des politiciens venus du monde entier. On pouvait voir cela à son, allure, à comment elle se tenait, comment elle ne laissait rien lui échapper. Assise à cette table avec Damian Henley, un homme qu’elle n’aurait jamais pu côtoyer dans le passé. Ursula surveillait. Elle surveillait son territoire comme la prunelle de ses yeux, et depuis déjà quelques heures. Pourtant, elle n’avait pas eu une longue nuit de sommeil et aucune fatigue ne pouvait se lire sur ses traits. Sa journée avait été longue, remplie de choses plus ou moins agréables, qu’elle oubliait peu à peu en regardant le superbe tableau de la nuit qu’elle avait créé. Elle oubliait les courses du matin où il avait fallu réfléchir à ce qui ferait plaisir, elle oubliait les rendez-vous importants avec son réseau, elle oubliait même les contacts qu’elle avait réussi à prendre, s’en étant pourtant félicitée toute l’après-midi. Elle effaçait de sa mémoire tout cela pour tenter de se convaincre que les heures n’avaient pas été si longues, et qu’elle était encore en pleine forme. Car en voulant s’isoler dans cet univers chaque soir, et en admettre les conséquences qui l’obligeaient à veiller au grain et même à participer activement, elle en connaissait les contraintes. Tenir éveillée, être toujours sur le qui-vive pour ne rien manquer des faussetés de l’évènement, bref comme un chef d’orchestre dirige sa troupe, Ursula était là ce soir.

Seule ombre au tableau. Damian et sa réticence à jouer le jeu des enchères. Mais bien vite, le sourire reprenait place sur ses levers lorsque le jeune homme avait fini par céder, en précisant, il était bien vrai, qu’elle gagnait toujours. « Je savais que tu ne tiendrais pas longtemps » venait-elle de lui lâcher sur un clin d’œil, à la fois amical et espiègle. Les couleurs peignaient la pièce de différentes nuances, tandis que les expressions faciales disaient toutes quelque chose que l’on n’entendait pourtant pas dans le vrombissement général des bruits de verre, de couverts et de conversation. Sans bruit, on pourrait encore deviner ce qu’il se jouait sur ces visages-là, ou bien ceux-ci. Un tour de tête à gauche, puis à droite afin de tout contrôler, et Ursula se laissa tenter par son assiette. Damian venait de reprendre la conversation en lui posant une question, qu’elle-même se posait énormément ces derniers temps. La remarque du critique musical est très juste. Ursula existait encore et toujours. Mais Heiress, elle, ne faisait plus du tout parler d’elle. Même quand elle chantait auprès de Damian, elle ne le faisait pas par son nom d’artiste. Elle joua un instant de sa fourchette sur son plat, avant de ne relever le regard sur Damian, répondant avec sincérité. «J’y pense, et je le veux vraiment, y retourner… » Mais, il y avait une suite à cette réponse. « Ça fait tellement longtemps que je n’ai rien enregistré ou tentée, que j’ai peur d’y retourner malgré mon envie. Ça a du sens ? »

Elle posait la question à Damian, avec une réelle volonté d’avoir son opinion là-dessus, avant d’ajouter. « Je ne t’ai jamais remercié de t’être embarqué avec moi dans ces concerts caritatifs. Merci, pour m’avoir supporté durant une année entière ! » Et de l’avoir fait, d’une façon magistrale.

Flashback
Damian a 20 ans, il est dans l’un des bars les plus grandioses de la capitale anglaise pour assurer le début d’un spectacle donné par toute la crème du Jazz de la planète. Et lui, petit nouveau, petit étudiant qui n’a de prestigieux que le nom de la richesse de son père devra assurer l’entrée devant un public exigeant. Assit devant le bar, il stressait. Cela ne servait à rien de toute façon, le début du set était dans trois minutes. Jamais il n’aurait le temps d’apprécier vraiment l’effet désaltérant de la boisson mousseuse et ambrée. Pourtant Damian commanda tout de même au barman une autre bière. À vrai dire, il avait besoin de quelque chose de plus fort. Ses doigts devenaient moites à force de trac. D’énervement. Trop tard. Le serveur venait de poser devant lui le bock plein.
- Merci… grommela-t-il, en se saisissant de l’anse.
- Alors, c’est vous le fameux Henley ?
Il leva vers l’employé du bar des yeux surpris.
- Pourquoi me demandez-vous ça ?
- Parce que Monsieur Wanalker vous cherche partout ! Je crois que le concert commence dans pas longtemps…
Le jeune musicien, comme chaque fois qu’il se sentait dérangé dans ses pensées, s’en irrita intérieurement.
- Alors, dites à ce Monsieur que je viens tout juste de me commander une bière… et qu’il ne s’en fasse pas pour moi. Je le rejoindrai directement sur scène !

L’homme au bar le dévisagea un instant. Il reconnaissait dans pareille réponse l’insolence de la vingtaine. L’arrogance aussi peut-être de ceux bénis par les dieux. Damian s’aperçut que sa réponse avait vaguement choqué l’employé mais n’en eut cure. Il passa une main nerveuse à travers ses boucles châtain clair et, après un nouveau sourire au serveur, but d’une traite le contenu de son verre. L’alcool aussitôt fit son effet. Maintenant il était chaud. Il était prêt. Le piano d’abord égrena quelques accords, qui semblaient disparates. Les derniers bruissements de spectateurs encore mal installés s’atténuèrent doucement. Enfin, dans le silence recueilli de ce kiosque en plein air au cœur de la pinède s’éleva le souffle de Dam, aussitôt salué par les ovations du public. La nuit brusquement parut s’éclairer d’une intense lumière. C’était comme si l’on venait d’allumer au beau milieu de la scène un brasier ardent. Tous ces prestigieux noms recevaient en pleine face ces quelques notes, aussi brillantes que des pierres précieuses. Aussi tendres qu’une caresse. Subjugué, ils fixèrent le musicien qui pianotait, les yeux clos, comme rentré à l’intérieur de lui-même. De cette seconde, et jusqu'à la fin du morceau, leurs yeux ne dévièrent pas du jeune pianiste qui occupait l’intégralité de la salle à présent. Alors éclatèrent les premiers applaudissements accompagnés de cris et de quelques sifflements, témoignant de l’enthousiasme le plus vif. Damian Henley était dans la cours des grands à partir de ce moment, c’est sa la vraie vie qui commençait pour lui ! Après le succès fracassant de ce premier concert nocturne, le jeune musicien encore inconnu la veille tous les soirs de la semaine donna la réplique sur scène à de grandes vedettes.
Fin du flashback.

L'histoire de Damian n'est sans doute pas aussi fantasque et imprévisible que celle de la jeune femme. Leur point commun demeure le fait qu'ils avaient dû, chacun à sa façon, prouver aux autres ce qu'ils valaient réellement. Et que leur talent, en valait pleinement la peine. Le Damian d'aujourd'hui, assit face à Ursula, n'avait pas l'insolence du passé, ni la fougue. Mais il gardait toujours la passion, l’œil avertit du critique, et le flair de l'agent artistique. Il ne voulait pas qu'on fasse de lui un expert en musique, mais il y avait deux ou trois combines qui marchaient à tous les coups. La musique est un marché, et pour garder sa part, il fallait savoir se renouveler, savoir revenir, savoir percuter et toucher à nouveau. Ursula jouait avec le feu en s'étant effacé ainsi, juste après avoir atteint les sommets.

« Peur de l'échec ?» Un nouvel échec pour Ursula. Cela avait du sens, mais il était hors de question qu'elle en soit prisonnière. « Tu n'as plus rien à prouver, Ursula. Vraiment! » Commençait-il entre deux bouchées, avant de ne porter son regard sur la jeune femme et poursuivre. « Tu as déjà ton public, et il t'attend...Faut juste, ne pas trop le faire attendre » Concluait-il sur un clin d’œil complice. « On pourrait même collaborer sur ton prochain album...» Dit-il, comme ça, avec son insouciance, sans paraître sérieux mais tout en l'étant.

Elle ne peut plus supporter les échecs, aussi mince soient-ils, aussi insignifiants. Son enfance fut un échec, son adolescence tout autant, maintenant qu’elle est devenue ce qu’elle est, elle ne compte plus se laisser faire, ou encore, retourner en arrière. Damian avait vu juste, elle avait peur d’échouer à nouveau. Plus intense encore, elle avait peu d’être rejetée par un public qui aurait fini par ne plus vouloir d’elle, tant de chateurs et de chanteuses peuplaient nos petits et grands écrans. Deux ans de silence de sa part, l’attendait-il toujours, ce public, ses fans ? Le problème d’Ursula, réside dans le fait que bien malgré le chemin parcouru, elle est toujours hantée par les mêmes peurs. La peur du rejet est sans doute l’émotion qui s’apparente le plus à la peur de la mort. C’est aussi la plus difficile qu’ait à éprouver un être humain, et la jeune femme l’avait beaucoup trop connu. Cette peur du rejet est plus douloureuse que toutes les autres craintes, qui découlent souvent d’une peur inconsciente d’être rejeté. En effet, les peurs de n’être pas performante, de n’être pas suffisamment belle ou intelligente, de ne pas avoir le talent adéquat, de ne pas avoir l’énergie pour suivre le groupe social, naissent toutes du désir profond d’établir avec les autres un état relationnel dans lequel on se sentirait important, apprécié et désiré. Cette peur vit en elle depuis son plus jeune âge, vécue déjà avec ses parents. Plus tard, elle le vivra avec ses camarades de classe durant l’adolescence. Adulte, ce sont les hommes qui l’avaient rejetée. Le public l’avait fait dans le passé, et il est vrai qu’elle avait conquis à nouveau, mais pourrait-elle le séduire à nouveau, et surtout mieux que précédemment ?

Damian avait raison. Sa peur est normale, mais elle n’est pas déterministe. « Tu as raison, je sais que tu as raison… » Dit-elle en ayant d’un coup perdu l’appétit pour ce qui restait de son assiette. Elle le va le regard sur le jeune homme lorsqu’il proposa une collaboration, de quoi lui redonnait sourire. « Alors là, je n’ai plus peur du tout ! » Léger rire, elle était pourtant sérieuse, au fond. Bien que, elle a toujours été entre de bonnes mains sur ses préparations d’albums. Néanmoins, une collaboration avec Damian Henley, est une idée extrêmement séduisante, et convaincante. « Et je suis sérieuse, je n’ai qu’à attaquer mon prochain album par notre collaboration…ça me donne étrangement envie de m’y mettre ! » s’exclamait-elle, son sourire ne l’ayant pas quitté., prenant plaisir à reposer ses yeux aux creux des siens. Ils furent interrompus par la venue d’un serveur qui lui murmura à l’oreille qu’ils allaient commencer à annoncer les gagnants des enchères dans quelques secondes. « Ça va commencer » murmurait-elle, bien enthousiaste, à l’encontre de Damian. Les lumières, jusqu’ici tamisées, furent sont plus éclairées à présent, une silhouette avançait sur l’estrade avec l’enveloppe contenant les gagnants pour chaque pièce présentée, et également pour Damian.

Une par une, les robes du défilé s’enchaînaient, avec le nom et le prénom de leur détenteur à partir de la seconde même ou leur patronyme fut prononcé. Les sommes étaient généreuses, ce qui fit un tel plaisir à Ursula, qui était détendue, jetant un regard ici et là, applaudissant au passage de chaque pièce, et félicitant de loin d’un signe de la tête ou de la main chaque gagnant. Bientôt, ce fut le tour du rendez-vous avec Damian d’être prononcé. L’héritière jeta un œil amusé vers le jeune homme. « C’est ton tour » Disait-elle sur un ton tout à la fois sérieux et moqueur. Affichant ce sourire, sourire qui n’était pas près de la quitter en suivant la phrase suivante prononcé par l’animateur, mais ses yeux pétillants se voulaient plus réfléchis face au nom qu’elle entendait, le sien ! Oui, Ursula avait porté un prix pour ce rendez-vous avec Damian, et pas des moindres ! Elle avait joué, et elle avait gagné ! « Tu vois, ce n’est pas si mal…Tu aurais pu tomber sur bien plus catastrophique ! » Son regard tombant directement sur le sien, avec cette fierté sortie d’un autre monde, et cet éclat pétillant sur le regard.

Au final, il faut réaliser une chose dans la vie pour goûter parfaitement au bonheur : notre propre bonheur, égoïste, ne permet pas de l'être complètement. Pour être heureux, il faut aussi pouvoir le partager avec les autres, donc participer au bonheur des gens qui nous entourent. Ce principe, en l'occurrence, ne s'applique pas à l'inverse : on ne peut pas se guérir de sa colère en la répandant à tout hasard sur tous ceux qui ont le malheur de croiser notre chemin ! Damian a toujours fonctionné selon cette idée, qui lui semble des plus basiques. Aider Ursula, ce soir, ou l’aider plus tard pour qu’elle puisse se retrouver à nouveau dans un studio, contribue à le rendre plus serein, plus complet, plus heureux dans sa vie. Damian, qui répond toujours présent lorsqu'on a besoin de lui, quelle que soit la situation. Malgré son burn out qui lui avait pourtant fait énormément de mal, il ne saurait fonctionner autrement. Le travail est le moteur de Damian. Être ici et là, savoir se montrer disponible, écouter et apprendre, pour mieux enseigner et se renseigner. Pour savoir comment mieux faire les choses, et mieux soutenir ses proches. « Tant que tu es apte à encaisser mes critiques » Lui dit-il en lui lançant un clin d’œil. « J’espère que Fan’d’Ams ne penseront pas que tu leur fais des infidélités » Ursula n’était pas l’une des artistes de son label, elle avait toujours été fidèle à Austin et leur label. Bien entendu, il n’était pas sérieux quant à ce qu’il insinuait. Mais, tout de même, il ne faut jamais perdre de vue qu’il serait prêt à piquer l’artiste d’un autre label, si cela peut faire les affaires des deux concernés. Néanmoins, Ursula n’était pas dans cette configuration.

Son attention fut tournée vers l’annonce des vainqueurs des enchères. Le moins qu’on puisse dire, c’est que beaucoup avaient été généreux ce soir. Ce qui fera plaisir à Ursula, et beaucoup de bien aux associations qui bénéficieront de cet argent. Damian cachait tant bien que mal le malaise qui le gagnait petit-à-petit, sachant que bientôt, ils allaient donner le nom de celle (ou celui, qui sait ?) ayant porté la plus grande enchère quant à un rendez-vous avec lui. Lorsque vient son tour, il ne peut empêcher de laisser paraitre son appréhension en laissant filtre un « Oh God » de ses lèvres. Il se repositionna convenablement sur sa chaise afin de paraitre le plus serein possible. Et à l’écoute du nom « Ursula Fanning », l’expression sur son visage se figea, avant que l’étonnement ne gagne progressivement ses traits. Ses muscles qui furent tendus se relâchèrent quelque peu. A la fois, choque, et soulagé. Tournant la tête vers l’héritière, il la fixa quelques secondes, ayant encore du mal à croire son coup, avant de ne laisser un rire détendre une bonne fis pour toute l’atmosphère. « Sacré Ursula ! » Son exclamation fut ponctuée d’applaudissement vers, il avait encore du mal à y croire.

Et un nouveau rire muet se manifesta en lui, avant qu’il ne laisse place à un sourire à la fois impressionné et ahuri. « T’étais donc si désespérée d’avoir un rencard avec moi, qui l’eut cru ! » venait-il de déclarer avec humour. Songeant un instant que ce n’était sans doute qu’une ruse de la part de la jeune femme pour pouvoir laisser un don. « J’aurais pu t’épargner cette peine, tu sais » Ou peut-être que, l’envie d’un rendez-vous autre que professionnel entre eux pouvait s’avérer être une chose, qui a juste mis du temps à se manifester. Une chose qui avait besoin d’un coup de pouce, comme celui-ci. « Sérieusement, t’en as envie ? » se sentait-il obligé de demander, pour confirmer.