“Tu peux m’appeler Eli, tu sais” Il répondit aussitôt, par habitude. Il lui avait déjà dit, d’ailleurs, mais il semblerait que Reilly appréciait prononcer son prénom en entier - ou bien qu’il ne se permettrait pas à trop de familiarité pour le moment? Eli ne savait pas trop si c’était l’un ou l’autre, ou bien encore les deux. Il était étrange pour Eli d’entendre quelqu’un l’appeler ainsi. Souvent, il s’agissait de parfaits inconnus, dans des contextes très officiels. Oui bien ses parents. Ou ses amis, quand ils voulaient l’embêter. Il faut dire qu’Eli n’aimait pas nécessairement son prénom; et qu’il ne lui paraissait pas naturel de répondre à Elias. Avec Reilly, cela sonnait différemment ceci dit. Cela le dérangeait moins. Mais par réflexe, en tout cas, c’est ce qu’il avait répondu. Il ne fit pas de commentaire sur la constatation qu’avait faite le pianiste. Que la vie l’avait comblé. Ce n’est pas vraiment un ressenti qu’il avait, mais il était vrai qu’il devait apprendre davantage à considérer ses propres privilèges, et tout ce qu’il avait de bien dans sa vie. C’était un exercice difficile, pour quelqu’un qui passait son temps à rêver d’être quelqu’un d’autre. Mais il est vrai qu’elle n’avait pas été si terrible que ça, jusqu’ici, sa vie. ça l’intriguait. Il se demandait ce qui avait fait que Reilly avait prononcé ces mots, d’où ils venaient.

Ses réflexions avaient vite été balayées par la proximité de Reilly qui l’avait grandement troublé, par son sourire et ses yeux et son geste et toute sa personne, et les pensées folles qui naissaient dans l’esprit d’Eli, qui avait parlé sans réfléchir, puis qui avait tâché de plaisanter pour calmer l’effervescence de son coeur, et cette folle envie de l’embrasser. Seulement, la réaction de Reilly n’est pas vraiment celle qu’il attendait - même s’il ne savait pas trop ce qu’il attendait, pour être honnête. Son rythme cardiaque était reparti de plus belle. Il le regardait, l’observait, avec des yeux brillants et remplis de questionnement - comment pouvait-il être aussi transparent pour le pianiste, comment pouvait-il comprendre qu’il avait envie d’autre chose? qu’il rêvait si fort, qu’il rêvait d’oser tant de choses sans nécessairement avoir le courage d’essayer? Eli avait également les joues rougies de son compliment; de ses doigts qui avaient de nouveau caressé sa peau avec douceur.

Et puis, il y eut ces quelques mots, et son embarras et sa nervosité augmentèrent d’un cran; alors même que Reilly semblait si posé, si calme. Eli n’était pas quelqu’un qui savait mentir ou cacher quoique ce soit - on le perçait très vite à jour. Il faut croire qu’il n’avait pas échappé à cela avec le pianiste. Et s’il n’était pas bon dans ce domaine, ce n’était pas non plus quelque chose qu’il appréciait faire; ça ne lui ressemblait pas vraiment. Il afficha une petite moue contrariée. “Evidemment” Il se mordit la lèvre inférieure un instant, puis déglutit. Il était fébrile. “Désolé, je veux pas que ce soit awkward. mais. tu me distrais” Il finit par avouer, passant sa main droite sur sa nuque, la gauche venant jouer une simple mélodie sur le piano lentement, comme pour calmer sa nervosité. “Tout à l’heure, c’est toi qui m’a distrait aussi. C’est pas de ma faute, enfin… si mais d’ailleurs je sais pas si tu as déjà donné des cours de piano, mais si tu l’as déjà fait, je sais pas comment ils ont fait, les autres, pour rester concentrés: tu es trop fascinant quand tu joues. En fait non, pas que quand tu joues, genre, tout le temps. Tu es un univers à toi tout seul!” Il finit dans une exclamation avec un sourire. Discours un peu décousu, discours si plein de sincérité, Eli ne jouait pas, et quand il était nerveux, il était difficile pour lui de s’arrêter. Il le fit, cependant, son sourire s'effaçant pour laisser place à l'embarras. Il prit une inspiration, fronça les sourcils, et instinctivement posa son coude sur le rebord du piano, décalant légèrement sur les touches, provoquant un accord pas très joli alors qu’il posait son menton sur la paume de sa main avec un léger agacement et les joues rougies de ses propos, avant de lentement tourner la tête vers Reilly de nouveau, s’étant efforcé de ne pas le regarder pendant ses explications. “Je te trouve incroyable.” Il termina, un peu plus calme avec toute sa sincérité. Il ne saurait l'expliquer, mais c'était ce qu'il ressentait. Quand il l'écoutait, quand il le regardait, quand il l'entendait.

Reilly fut intrigué par la remarque du jeune homme. Avait-il commis jusqu’ici une erreur en l’appelant de son prénom complet ? Il est vrai qu’Elias lui avait maintes fois fait savoir qu’il pouvait l’appeler « Eli », tout simplement. Le naturel de Reilly a tout de même persisté à utiliser son prénom au complet. Cela n’était pas calculé, ou désiré, c’était seulement ce qui sonnait le plus naturel, et le plus doux, à ses oreilles. « C’est que, j’aime ton prénom » avoua-t-il dans cette franchise bien propre à lui, sans enveloppe inutile, dont il faisait preuve parfois. Sans trop réfléchir. Le problème lorsqu’on réfléchit trop, c’est qu’on trouve toujours quelque chose. Chercher à interpréter la moindre parole ou le moindre geste nous amène forcement à tirer des conclusions. Elles peuvent être aussi bien vraies que fausses. Mais, surtout, elles confient à une action une valeur qu’elle n’avait peut-être pas originellement. « Mais si tu n’aimes pas que je t’appelle Elias, alors je m’entrainerai à ne faire usage que d’Eli » ajoutait-il à l’égard du jeune homme. Reilly donnait beaucoup d’importance au respect d’autrui, et si Elias ne voulait plus que d’Eli, il se pliera à cette demande, sans trop se poser de questions. Car Reilly est un jeune homme qui tranche finement, délicatement, d’une manière dont on le ressent à peine et avec une précision on ne peut plus nette. Il sourit alors, sur la suite de leur échange. Mais ce sourire ne s’en étire qu’encore plus sur ce mystère qu’il semble vouloir imposer. Et on ne devrait pas s’en étonner, car Reilly est avant tout cet être reculé, cet être enfoui renfermant tout un ensemble de mystères qui intriguent et dont la découverte peut attirer certaines personnes.

A force d’exercices, à force d’expériences, Reilly a acquis certaines capacités La cécité excite les autres sens à une activité plus marquée et provoque en eux, de la sorte, une agilité plus grande. L’aiguisement des sens est basé sur des prémisses psychiques et apparait à un degré individuel. Si Reilly entrait dans une parfumerie par exemple, il saura distinguer chaque parfum d’un autre, évoquant à lui seul tout un monde. C’est pareil pour ses proches, chaque être humain à sa propre trace olfactive, et Reilly est capable de reconnaitre ces individus d’après leurs propres odeurs physionomiques. Il peut ainsi, « sentir » leurs émotions, la peur, la colère, la satisfaction, et il en va de même pour la sexualité. Même si, concernant cette dernière particulièrement, il n’y connait pas grand-chose, il demeure néanmoins capable de la percevoir chez autrui. Il en est de même pour le toucher, ce sens peut en dire beaucoup lorsque du bout des doigts, en arrivent à ressentir une nervosité, qui lorsque combiné à certaines choses déjà mémorisées, peut donner lieu à des remarques et autres observations plus que pertinentes. Il y a un stéréotype selon lequel les aveugles posséderaient un sens surnaturel, comme s'ils pouvaient voir la beauté intérieure. Mais cela ne se fait pas lors d'une première rencontre. On dit souvent que la beauté est dans l'œil de celui qui regarde. Mais elle est aussi dans l'oreille de celui qui écoute, dans la main de celui qui touche. Et la beauté, il la « voyait » chez Eli, dans ses propres, dans son odeur, sans les tressaillements de sa voix, dans ses paroles choisies. Il le touchait, au point ou il ne savait que dire, hormis ressentir des émotions si rares, si distinctes, si troublantes ! Aussi troublante que ce son désagréable produit par le piano, aussi troublante que ce mot « incroyable », qui faisait chavirer son cœur.

« Donnes-moi ta main » Demandait-il d’une voix moins sereine cette fois, comme troublé. Il attendit que le jeune homme pose sa main sur la sienne, et glissant légèrement sa position sur le banc, pour être plus proche d’Elias, il porta la main du jeune homme sur son propre cœur. Sa tête déviant vers lui, et incertain, il demanda. « Est-ce que ça ressemble à ça, d’être distrait par quelqu’un ? De le trouver incroyable ? » Est-ce que ses battements qui ne cessent de cogner aussi intensément contre sa poitrine, étaient équivalents à ce que ressentait Elias ?

Il aimait son prénom. C’est ce qu’il lui avait dit, en toute franchise, sans s’encombrer d’autre chose. Et Eli s’était retrouvé tout bête, et le coeur gonflé, et étrangement ravi que Reilly aime son prénom, alors même que lui-même ne l’appréciait pas particulièrement. “Non, ce n’est pas grave” Il répondit alors aussitôt, s’en pouvoir s’en empêcher. Comme si ne pouvait pas lutter contre les souhaits du pianiste, comme s’il voulait lui donner tout ce qu’il voulait, tout ce qu’il appréciait. Et voir son sourire qui illuminait toute une pièce de nouveau. “Je n’ai juste pas l’habitude qu’on m’appelle comme ça mais… ça me dérange pas. Tu peux continuer à m’appeler comme ça, si tu préfères.” Il avoua doucement, avec un léger sourire. Qui était-il, vraiment, pour dire à Reilly de l’appeler Eli? Il pouvait bien l’appeler comme il le voulait; il n’en ferait sans doute pas cas.

Des personnes qui l’avaient rendu nerveux, qui lui avaient fait perdre ses moyens, il y en avait déjà eu - pas des tonnes, mais il y en avait eu. Eli connaissait les signes, ses rougissements, le léger tremblement dans ses mains, dans sa voix, ses propos qui partaient un peu dans tous les sens, son regard qui déviait de son interlocuteur, ou de son interlocutrice. Aujourd’hui, cependant, c’était encore différent. Il y avait quelque chose de si spécial chez Reilly, qui le touchait au plus profond de son âme. Il ne savait l’expliquer. C’était sa façon de parler, le calme dans ses mots si posés, cette façon extraordinaire qu’il avait de jouer, et cette impression qu’il le comprenait. Ces mots, qu’il avait prononcé alors qu’il caressait doucement son visage; ils avaient retourné son coeur. Et puis, évidemment, ce sourire de supernova, ses yeux bleus, et puis le reste de son physique, bien sûr, Eli n’en parlait même pas. Il était magnifique.

Fidèle à lui-même, Eli était alors resté sincère, malgré son embarras grandissant et se sentant bête de n’être pas capable d’aligner deux phrases avec assurance, d’autant plus que pour Reilly, qui ne le voyait pas, cette nervosité apparaissait peut être encore plus intensément. Cependant, Eli n’avait pas cherché à se défiler, ou à minimiser ses propos, qu’il assumait. Il était difficile pour lui de mentir, de toute façon. Seulement, il retenait maintenant son souffle. Il craignait sa réaction. Et ce ne serait pas la première fois que quelqu’un stoppait tout contact avec lui parce qu’il était trop awkward. Cela le blessait toujours un peu, bien qu’il prétende parfois le contraire, mais surtout, si cela devait se passer avec Reilly, il en serait profondément déçu.

Sa réponse, encore une fois, il ne s’y attendait pas. Un peu intrigué, il ne répondit rien, mais s’exécuta, glissant sa main dans la sienne. Il avait remarqué, aussi, le calme de la voix du pianiste, qui s’était un peu effrité. Est ce qu’il était…. nerveux? Il l’observa avec grande attention, et son rythme cardiaque s’accéléra de nouveau alors que Reilly posait sa main sur son coeur. Eli était complètement fasciné, et le rouge colorait ses joues. Il pouvait sentir le myocarde du pianiste qui s’emballait sous ses doigts. Le geste était si profondément intime - ça lui retournait la tête. Ces battements sous ses doigts, cette main sur la sienne, ce corps qui s’était rapproché, et cette question… Eli en avait le tournis. Il ferma les paupières, comme pour se calmer, mais aussi pour savourer davantage le moment. Ses doigts se contractèrent lentement sur le vêtement. Reilly le trouvait incroyable? Reilly le trouvait incroyable? La question se répétait inlassablement dans son esprit, et il eut besoin de quelques secondes pour réaliser qu’il lui fallait répondre à son vis à vis. Il était un peu perdu, et plus que troublé. ça lui paraissait - improbable. “Tu me trouves incroyable?” fut la seule chose qu’il fut alors capable de prononcer, au bout de quelques instants. Lui, sa maladresse et ses bizarreries. Il prit une inspiration, et ouvrit de nouveau les yeux, puis lentement retira sa main avec regret, mais pour guider celle de Reilly jusqu’à son coeur en retour - son coeur battant tout aussi fort et tout aussi vite dans sa poitrine. Quelque chose l’intriguait. Reilly n’avait-il jamais été “distrait” par qui que ce soit? Il n’eut pas le temps d’y réfléchir davantage, beaucoup trop troublé par la proximité du pianiste. “ça peut ressembler à ça, oui.” Il murmura doucement, comme si c’était un secret. “moi, ça me rend nerveux - et je peux avoir les mains moites. je- peux en perdre mes mots, et j’en deviens encore plus awkward.” il expliquait lentement. “mais.. ce n’est pas forcément pareil pour tout le monde, ça dépend, parfois les gens s’arrêtent complètement de parler, ou bien ils font genre que y a rien qu’il se passe, ou bien ils ont un coup de chaud, ou bien encore ils parlent trop et ils essaient de combler leur embarras en parlant un peu trop“ Il s’arrêta subitement pour prendre une inspiration. “uh, comme là, quoi." Il ajouta avec un léger rire nerveux, avant de relâcher lentement sa main. “En fait… ces cours de piano, aussi incroyables qu’ils soient hein, mhm… c’était surtout un prétexte parce que j’avais envie de te revoir... J’aimerais bien te revoir. En plus du piano, jveux dire.” il ajouta un peu maladroitement. Il fallait qu’il arrête de parler, mais dieu que Reilly était près et qu’il avait envie de l’embrasser. Et qu’est ce que c’était lamentable, il n’était vraiment pas doué.

La réalité de Reilly et celle d’Elias étaient différentes. Les choses ne sont pas vécues de la même façon. Et plus que tout, les expériences de la vie de chacun sont distinctes. Cette différence, Reilly la ressentait avec de nombreuses personnes. Mais, et il s’agit ici d’un bien grand « Mais ». Quelque chose de nouveau opérait en présence d’Eli. Quelque chose qui le rendait nerveux, qui le bousculait un peu, et qu’il ne savait pas trop comment interpréter. Peut-être que finalement, elle était là, la différence que pouvait émettre Elias. La différence qui existe entre lui et les autres personnes d’après Reilly. En fait, il arrivait à l’apaiser même en se montrant maladroit parfois, et c’est justement parce qu’il n’insistait jamais sur ce qui dérangeait, qu’il avait le don de savoir attaquer un autre sujet afin d’effacer ce qui précédait qui le rend …charmant, très charmant aux yeux de notre jeune pianiste. Il était différent, il ne le cernait pas à chaque fois, il ne le connaissait pas totalement. Mais, outre cette complicité et entente existante entre eux, Reilly était sensible à certains aspects du jeune homme, qui malgré tout, reste mystérieux sur un bon nombre de points même s’il demeure plus bavard que lui. Il pourrait dire de lui qu’il le trouvait à la fois surprenant et agréable, sincère et déstabilisant. Surprenant, Reilly dirait même que c’est la nature même d’Elias qui est ainsi à ses yeux. Agréable, parce qu’il y avait cette candeur en lui, qui avait constamment sa place dans ses propos, et de ce fait, il arrivait à faire sourire Reilly en de nombreuses circonstances. Et quand il se mettait à être sincère, sans aucun filtre, il savait le faire en choisissant les bons moyens. Déstabilisant, parce que lorsqu’il se met à jouer les notes qu’il lui apprend, ce dernier peut se sentir basculer hors son sentiment de vide, pour entrer autre part, dans un monde qui n’appartenait qu’à lui et qui pouvait lui révéler certaines choses qu’il n’était pas forcément prêt à accepter. Ces choses resteront un secret pour le moment.

Alors qu’Eli répondit positivement à sa demande, il avait également conduit la main de Reilly sur son cœur. Et il pouvait sentir les battements de son cœur, battants à tout rompre, similaires à la mélodie qui se jouait dans sa propre cage thoracique. Il sourit, troublé, mais souriant. Rassuré de savoir que cela était réciproque. Serein, à l’idée de se dire que ce qu’il ressentait est naturel, nouveau, mais tellement humain. « Comme toi ! » S’exclamait-il, au mêle moment où le jeune homme lui expliqua les symptômes, vivant lui-même l’un d’eux, ce qui faisait rire Reilly. Il comprenait à présent pourquoi ce dernier se faisait si bavard en cet instant. Une autre inquiétude naissait peu à peu au creux de son ventre. Malgré son malaise et sa honte, Reilly ne put s’empêcher de faire un grand sourire à celui qui venait de bouleverser beaucoup de choses. Il ne savait pas encore précisément ce qu’il se passait dans son cœur, mais en attendant il voulait juste profiter de la présence d’Elias. Il n’était pas nécessaire de mettre les choses au clair aussi vite, si ? Autant savourer les battements de son cœur qui s’accéléraient légèrement à l’écoute de l’aveu suivant.

Il avait donc envie de passer du temps avec lui ? Sa main, se noua à celle d’Elias. La tenant confortablement dans la sienne. Comme un geste de remercîment, comme un pacte qui prenait vie à cet instant précisément. « Je ne suis pas sûr de savoir mettre des mots sur ce que je ressens… » Avait-il admis à l’égard du jeune homme, sa voix étant calme, son regard perdu quelque part au loin, et sa main tenant toujours précieusement celle d’Elias dans la sienne. « Parce que je n’ai jamais ressenti ça auparavant…Il n’y qu’en ta présence que je suis ainsi. Que je suis… troublé » Avouait-il finalement, ne sachant pas s’il faisait usage du bon mot pour exprimer ses sentiments. « Je me sens bien, avec toi. Je me sens en confiance et ça me fait peur…Mais moi aussi j’ai envie de passer plus de temps avec toi » Finit-il par faire sortir, en avalant difficilement sa salive, sa main serrant un peu plus celle d’Elias, s’y accrochant désespérément.

Eli avait eu un petit rire, à moitié nerveux et à moitié pur, alors qu’il n’avait même pas eu besoin de préciser que c’était ce qui en train de lui arriver; Reilly s’exclamant à ce sujet. Il était bavard, quand on parlait de quelque chose qui le passionnait, quand il cherchait à remonter le moral de quelqu’un, quand il voulait convaincre quelqu’un d’autre; et puis, d’autres fois, comme à cet instant, quand il était embarrassé. Il lui arrivait parfois de fuir une conversation, quand il était trop mal à l’aise, mais cela arrivait uniquement quand il était évident que son interlocuteur ou son interlocutrice avait de la condescendance envers lui, le trouvait stupide et rasoir. Ici, ce n’était pas le cas. Reilly semblait profondément attentif à ce qu’il lui racontait, qu’importe son évidente maladresse. Il lui sourit, même, d’un si grand sourire que ça réchauffa le coeur d’Eli qui trouva alors le courage de poursuivre dans sa lancée. Et de lui avouer qu’il serait vraiment heureux, s’ils pouvaient se revoir, sans le prétexte des cours de piano. Après ça, il s’était tût. Il savait se taire quand la situation le demandait, et à cet instant, elle le demandait vraiment. Les réactions de Reilly l’avaient poussé à oser cette demande, et il espérait qu’elle ne serait pas vaine, qu’il ne serait pas si rapidement éconduit. Il en aurait honte, mais surtout, il en serait profondément déçu.

Le pianiste ne répondit pas tout de suite. Eli retenait son souffle, et l’observait prendre de nouveau sa main dans la sienne. Il le laissa faire, appréciant le contact. Et puis, Reilly rompit le silence, et Eli voulut répondre aussitôt mais il voyait bien que l’autre homme n’avait pas terminé, alors il resta silencieux, soucieux de respecter le pianiste, sans le couper. De nouveau, il y eut cette allusion - ou plutôt, ce n’était plus une allusion, à ce stade - que Reilly n’avait connu ça avec personne d’autre. Que personne d’autre ne l’avait jamais ‘distrait’. Qu’il n’avait jamais…. été attiré par qui que ce soit? Eli le comprenait dans ce qu’il disait, évidemment, mais aussi dans le ton de sa voix, il le sentait hésiter sur les mots qu’il utilisait.

Eli s’en fichait de ça, bien sûr. Pour lui, ça n’avait aucune importance, il n’en était pas moins attirant à ses yeux, ou plutôt, si cela avait une quelconque importance, c’était d’agir en connaissance de cause. ça le surprenait, oui, parce que quelqu’un d’aussi incroyable et, il fallait l’admettre, séduisant, que Reilly avait sans doute dû recevoir des avances, non? Mais en fait… Reilly avait dit que lui n’avait jamais ressenti ça, et non les autres envers lui - mais cela rendait les choses encore plus improbables, parce que comment lui, Eli, awkward, random, quelconque Eli, pouvait être le premier à lui faire ressentir ça? ça dépassait son entendement.

Ces pensées fut rapidement chassées de son esprit, cependant, quand Reilly semblait difficilement avouer que, lui aussi, voulait passer plus de temps avec lui. Eli fut seulement capable d’afficher un immense sourire à cela, profondément ravi. “Vraiment? Je suis ravi de l’entendre!” Il s’exclama alors, une vague de soulagement soulageant la pression de ses épaules. Il exerça une pression sur leurs mains jointes pour le rassurer, sentant sa tension. Il s’interrogea, un instant, si Reilly avait pleinement conscience qu’il avait voulu lui proposer un rencard. Dans tous les cas, ce n’était pas grave, l’important pour lui était de le voir davantage. Il ravala cependant son envie furieuse de l’embrasser.

“Et ce n’est pas grave, tu n’as pas besoin de trouver les mots tout de suite. Je sais que moi je parle trop, et parfois il vaudrait mieux que je me taise.” Il avoua avec un léger sourire. “Et il n’y a rien de grave à ne pas avoir ressenti ça avant!” Il lui assura doucement, mais avec toute son assurance. Il ne voulait pas qu’il se sente mal à ce propos, d’une quelconque façon. “Par contre, tu ne dois pas avoir peur. Je te promets que tu peux me faire confiance.” Il se demanda pourquoi il avait peur de se sentir en confiance. Est ce qu’on avait déjà abusé de sa confiance? Est ce que des personnes l’avaient blessé? A cette possibilité, il se sentit bouillir de colère. Il chassa cette pensée, pour le moment. “Moi aussi, je me sens en confiance avec toi. Il est très facile de te parler.” Il souriait doucement, et laissa son pouce caressa le dos de sa main un instant, un instant de calme, doux et tranquille, sans anxiété. “Est ce qu’on continue? Je prévois d’arriver au moins au même niveau que Beethoven tu sais” Il demanda alors avec humour et sans aucun sérieux, une excitation dans la voie, et le bonheur de savoir qu’il allait le revoir, pour autre chose qu’un cours de piano.

Topic terminé